Autant en apporte la mer (Thinead)

Elle sent la mer. Elle sent le sable. Elle sent Sinead, sous ses doigts, contre sa joue. Et puis subitement il n'y a plus rien, c'est moins chaud, ça sent moins le sel et plus le sable. Thémis se sent baisser d'un niveau, sent à présent le sable sous ses doigts, plein de la fraîcheur de la nuit. Elle entend les pas de Sinead qui s'éloignent, les grains de sable qui crissent sous son poids, plus loin ce sont les sabots des chevaux qui font le même bruit, et les vagues sont un grondement sourd en arrière-plan. Thémis est dans les limbes, encore endormie mais consciente de ce qui l'entoure. Il faut forcer, pour en sortir, il lui faut forcer, pour que ses yeux finissent par s'ouvrir. C'est par petits à-coups, irréguliers, tandis que le rêve s'enroule et se déroule : elle le revit, et par moments, ceux où c'est le plus incohérent, les moments où elle a honte ou peur, elle pousse. Le chamois, quelques petits coups faibles. La falaise, elle pousse un peu plus fort, elle a peur, le souvenir de sa chute est bien là, en arrière-plan lui aussi, sous les vagues, ténu mais ça la fait pousser plus fort. Les perroquets, là ça commence à s'effriter, le verre à se fissurer. C'est un coup à partir dans un autre rêve ça mais heureusement la lave du volcan ressemble suffisamment au verre en fusion de son fourneau et elle retourne sur le cratère. Là elle a beau pousser, élargir la faille, le rêve continue de défiler et de se défiler, et elle se retrouve dans l'huître à nouveau, mais seule cette fois-ci. Et là ça suffit, elle ouvre les yeux, avec un tressaillement de la tête. Thémis mâchonne dans le vide, il lui faut un peu de temps pour se réveiller. Elle roule sur le dos, paresseusement, ne cesse de cligner des yeux et petit à petit le plafond rocheux lui apparaît plus clairement, enfin c'est une sensation, elle le voyait bien mais maintenant elle a vraiment l'impression de le voir. La jeune femme se redresse en position assise, laisse échapper un profond bâillement puis par habitude se frotte les mains pour en enlever les quelques grains de sable qui s'y étaient invités. Elle aperçoit Sinead, les pieds dans l'eau. Elle l'admire de loin, de dos, et elle sent son cœur se fendre. C'est comme l'explosion de lave sur le bord du cratère dans son rêve. Doucement Thémis s'étire, puis se met sur ses pieds, et s'avance elle aussi dans le sable pour rejoindre sa femme. Quand elle arrive derrière elle, elle dépose un baiser sur son épaule, puis entreprend de lui démêler un peu les cheveux, ses doigts sombres dans les cheveux clairs de Sinead font un contraste saisissant. C'est toujours mieux que de regarder la mer et le soleil qui se reflète dessus et de se faire mal aux yeux à en pleurer. C'est tout aussi joli, ça la réchauffe tout autant, et c'est plus doux.